BATIR AFRICA

FOL HISTOIRE, FOL AMOUR (2)

Je suis aux urgences, la sœur cadette de la morgue ! J’exècre cet endroit, il me semble être l’étage en dessous de la mort. J’y suis tout de même, j’irai jusqu’à me baigner dans Léthé pour être aux cotés de celui qui y est admis.

Je le regarde, lui telle une pieuvre, membré de nombreux tuyaux lui servant tour à tour à manger, boire et tout le reste. Hier, il était brusquement sorti du coma, m’avait observée langoureusement, puis m’a suffoquée un je t’aime souffreteux. Après, il s’est mis en veille et plus rien. Plus rien, jusqu’à aujourd’hui.

Madame ! Madame ! Je cours voire l’infirmière. Il est encore éveillé, enfin réveillé ! Elle me fait encore le même reproche. Madame ! Nous vous avons signifiée que le patient doit être seul et se reposer.

C’est lui qui lui répond cette fois : Madame, où diantre voyez-vous ici deux personnes ? Elle et moi formons un. Allez ! Vous, laissez-nous plutôt et sortez si vous êtes encline à ma solitude ! Approche Nefert qu’il me dit ensuite.

-Fus-tu heureuse ?

-A rendre jaloux les dieux ! Je le resterai d’ailleurs…

-M’aimes-tu ?

-Incurablement !

-Me pardonnes-tu ?

-Oui si m’aimer comme tu le fis indépassablement est un délit !

-Veux-tu m’épouser ?

-Plus que jamais !

- Déchire une partie de ce tissu. Approche, Domie sera notre témoin !

Après, il est parti ! Mort ! Pour eux il l’était, pour moi il ne le sera jamais. Je venais ainsi de le perdre physiquement. Je me souviendrai toujours de son dernier acte, il m’a demandée de le rejoindre dans son lit de patient et de l’étreindre à faire pâlir cupidon. Il m’a dit : je t’aime et

Il est parti, tel qu’il m’a traitée : poétiquement. C’est peut être elle la mort qui confirme ou infirme la quintessence de nos attraits. Sa fin à lui, a confirmé les siens : aimant, gentleman, et poétique.

Tout aurait pourtant pu prendre une pente contraire. Il aurait été sûrement en vie, si je n’avais pas été orgueilleuse, si nous ne l’avions pas été. L’orgueil est à l’amour ce qu’est la corde au pendu, il ne faudra plus jamais l’oublier. Il y avait notre orgueil, mais aussi mon voyage. Mon voyage puis l’accident…

***

-Allez ! Tu es prête, il ne faudrait surtout pas qu’on soit en retard ! Revérifie tout Nefert. J’espère que, les numéros et adresse de Ib ont été correctement notés. Une fois sur place, il te faudra immédiatement l’appeler.

Qu’est-ce qu’il avait à familièrement me parler de Ib. C’est lui qui m’intéressait désormais et il l’ignorait. J’aurai aimé alors lui hurler que je l’aime, que j’ai succombé à ses charmes, sa poésie, sa galanterie… En plus, il m’avait surnommé Nefert. Je trouvais cela beau ! Pourquoi donc, ne m’avait-il pas lui aussi dit qu’il m’aimait ? Comment avait-il pu penser que je ne l’accepterais pas ? Bête ! Bêtes et sots les hommes, tout en moi éructait mon amour pour lui, et tout en lui ne voyait que mes amours et désirs pérégrins.

Je suis montée dans la voiture. Nous nous sommes dirigés vers l’aéroport. Sur les lieux, il s’est empressé de faire enregistrer les quelques affaires que j’avais, m’a dit qu’il détestait les au revoir, m’a câlinée, puis a posé ses lèvres sur mes joues. Qu’avait-il donc à donner aux joues, ce que les lèvres désiraient ardemment ? Je l’ai laissé partir, je me suis laisser partir, c’était une partie de moi.

J’étais dans l’avion, prête à décoller. Devant moi l’hôtesse, gesticulant tel un robot. Elle nous instruisait des précautions à prendre en cas de danger. Elle ne s’en doutait guère encore, mais les passagers en auraient besoin. Moi pas…

-Alerte à la bombe hôtesse ! Demandez au pilote d’atterrir en urgence ! Je porte une bombe sur moi qui explosera si …

L’avion est alors subitement traversé par un concert de cris désordonnés, apeurés et retentissant à carillon. Personne ne voulait mourir, moi aussi d’ailleurs. C’est pour cette raison que j’ai inventée cette captieuse bombe. Partir sans lui signifierait indubitablement ma mort, celle de mon cœur, ma mort tout court donc. Je ne pouvais pas ainsi m’en aller, je devais le rejoindre, lui parler… je m’en foutais de Ib et l’eldorado.

Je me suis jetée dans le taxi, mon imagination comme compagnon. Dans ma tète le film de notre rencontre. D’abord je lui infligerai une magistrale paire de gifle, ensuite je l’embrasserai outrancièrement, par la suite ensemble nous consommerons le fruit édénique pendant des heures et des heures. Depuis le moment que je rêve de le faire avec lui…

A quelque centaine de mettre de l’aéroport le conducteur du taxi ralenti. Devant nous, une foule bigarrée, s’affaire autour d’un accident. L’importance des ‘’spectateurs’’ de ce drame me laisse comprendre qu’il s’agit d’un grave accident. C’est ainsi, notre siècle développe une curieuse appétence pour les laids tableaux. Celui là était bien laid, ensanglanté… il y avait donc foule…

Je somme le conducteur d’accélérer la cadence. Je ne peux pas Madame qu’il me dit, l’accident et l’attroupement crée un embouteillage. Le statu quo m’oblige à être moi aussi spectatrice de ce drame.

Les pompiers viennent d’arriver, en retard comme d’habitude. Je suis heureuse, je pourrai enfin m’en aller. A leur arrivée, la foule se fend minutieusement, mimant ainsi à la perfection l’attitude de la mer face à Moise. La fente occasionnellement créée, permet à mon regard de s’échapper. J’observe furtivement une voiture éventrée, les pneus tutoyant le ciel, le passager me parait alors mort. Ladite voiture à donnée un baiser à une remorque, un baiser presque mortel… Mes yeux en doutent toujours, ils ont pourtant torts, c’est sa voiture… Il avait lui aussi décidé de me rejoindre, il voulait m’empêcher de voyager, me dire qu’il m’aime…

Il est dans le coma, transporter dans l’ambulance… je cours alors, crie d’une voie de stentor : c’est mon mari Monsieur ! Laissez-moi rentrer. Les pompiers finissent par abdiquer, pouvaient-ils en faire autrement ? Je me glisse alors violement dans le ventre de la bête rouge, hurlant de son gyrophare : j’y suis et j’y serai tant qu’il y sera… Son coma est le mien, sa mort aussi…

Deux semaines plus tard, j’étais encore aux urgences, dans sa chambre et à ses cotés. Je n’avais pas bougée d’un millimètre, j’étais lui et il était moi. Je l’observais. Non ! Je le contemplais ! Pour moi il valait alors cent Picasso, mille, dix mille peut être bien. Lui, là couché, comateux, inerte l’âme flottante et ballotté entre vie et mort, mais beau et aussi rutilant qu’apollon…

J’étais tiraillée entre attentes et remords. L’attente d’un signe de sa part, et remord de ne l’avoir pas retenu et avoué mes sentiments… Lui aussi n’avait pas à précipiter ce voyage, ce maudit voyage qui bien qu’avorter n’aurait jamais eu lieu, si trois jours avant, entre lui et moi rien ne s’était passé…

Il a eu peur, peur de s’avouer qu’il puisse être amoureux de moi, peur d’assumer…Surtout peur de revenir en arrière, il le faut pourtant toujours. Surtout en amour…

FIN.

SAS

225NOUVELLES



13/08/2013
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